Beau seigneur, gente dame, joli damoiseau, bienvenue dans la bonne et franche ville de Lessines pour une évocation haute en couleurs des fêtes de la Renaissance dans les Pays-Bas méridionaux
Depuis plus de 400 ans, la ville de Lessines célèbre son “Festin” le week-end du premier dimanche de septembre.
Au fil des ans, les différentes activités y gravitant se sont étoffées. Elles reflètent la vie tant quotidienne que festive de la Renaissance. Les origines historiques et religieuses de ces fêtes sont à cette occasion mises à l’honneur dans de nombreuses représentations : cortèges, spectacles, banquets…
Au cours de ce week-end, venez vous plonger dans cette atmosphère d’un autre âge. Glissez-vous dans un de ces costumes somptueux et coloré. Portez un de ces chapeaux, casques ou coiffes. Promenez-vous dans la Franche Foire qui vous permettra de redécouvrir les artisans d’autrefois et de goûter aux spécialités du cru. Venez assister aux nombreux spectacles rappelant cette période tumultueuse pour notre Bonne Ville de Lessines.
Les racines du “Festin” plongent profondément au coeur de l’histoire et sont ancrées solidement dans les traditions de notre ville de Lessines.
La petite histoire
Au cours du dernier tiers du XVIe siècle, la ville de Lessines a été assiégée par des troupes militaires. Grâce à la Compagnie de la Jeunesse, composée de célibataires à la tête de laquelle se trouve le capitaine Sébastien de Tramasure, les Lessinois en sont sortis victorieux. Certain que la victoire est due à l’intercession de la Vierge dont une statue surmontait la Porte d’Ogy et que priait la population durant ces combats, Tramasure lui remettra son épée en forme d’ex-voto. Depuis cette époque, Notre-Dame est connue sous le vocable de Notre-Dame de la Porte d’Ogy…
Depuis lors, en mémoire de ce glorieux fait d’arme, une commémoration dont les premières traces remontent à 1591 a lieu chaque année à Lessines.
Elle donna naissance aux actuelles fêtes du Festin.
Contexte historique
Dès le début du seizième siècle, l’empereur Charles Quint avait réuni sous son sceptre les Dix-Sept Provinces des Pays-Bas, comprenant la Belgique et les Pays-Bas actuels.
En 1555, son fils Philippe II – par ailleurs comte de Hainaut – lui avait succédé à la tête d’un empire sur lequel le soleil ne se couchait jamais… Le souverain était aussi impopulaire chez nous que n’avait été aimé son père, le grand empereur.
Dans ce contexte difficile, en 1576, les Etats Généraux des XVII Provinces prennent en mains le gouvernement des Pays-Bas, les pacifient et en expulsent les Espagnols. Les Etats rétablissent aussi les privilèges qu’avait supprimés Philippe II. Celui-ci avait envoyé un Gouverneur général : Don Juan d’Autriche. Mais le fils naturel de Charles-Quint ne parvenait pas à s’imposer.
En 1578, les Etats Généraux choisissent l’archiduc Mathias d’Autriche en lieu et place de Don Juan. Mathias a 21 ans, est le fils de Maximilien II et petit-fils de Charles-Quint. Entretemps, Don Juan reçoit des renforts de Philippe II dont fait partie le régiment du baron de Montigny – Emmanuel de Lalaing – frère du grand bailli de Hainaut, le comte de Lalaing.
Le climat d’agitation permanente qui régnait donc ainsi dans nos provinces était encore renforcé par les troubles qui déchiraient alors les chrétiens d’Europe occidentale, en raison des différentes réformes initiées par le courant protestant. S’ensuivaient de fréquentes incursions de troupes de mercenaires qui pillaient et brûlaient villes et campagnes.
Lessines en 1578
En mars 1578, Lessines est occupée par une troupe constituée de hollandais et provenant de l’armée des Etats Généraux. En effet, on craint que les Espagnols ne reviennent dans les Flandres, passant de ce fait par Lessines. Ce régiment ne restera hélas pas dans la ville.
A travers les comptes de la Massarderie de 1578-1579, on décrypte un processus qui donnera naissance à la tradition du Festin.
En effet, le 6 novembre 1578, une compagnie du régiment de Montigny, sous le commandement du capitaine Jean Quintin se présente devant les murailles de Lessines. Il demande que lui soient ouvertes les portes de la ville. Les échevins refusent, forts de l’exemption d’abriter des troupes obtenue quelques temps auparavant de l’archiduc Mathias. Furieux, Quintin menace la cité d’un assaut ! Le Magistrat lessinois prévient le grand bailli qui demeure bien entendu silencieux.
Le mardi 13 novembre, vers les 11 heures du soir, Quintin et sa compagnie, forte de quelques 6 à 700 arquebusiers et de 100 ou 200 mousquetaires (mousquets) tente d’entrer de force dans Lessines. Il incendie la porte d’Ancre (ou de Grammont) qui résiste aux flammes (les portes et ponts-levis ont été renouvelés peu avant le siège) et descend vers la porte de Pierre devant laquelle il met le siège. Il en profite pour piller le faubourg extra muros qui s’étend déjà à cet endroit à l’époque.
Lessines compte moins de 900 hommes valides mais des habitants des villages voisins viendront prêter main forte aux assiégés.
Vers 4 heures du matin, le 14 novembre, le Magistrat décide de jouer son va-tout : la Compagnie de la jeunesse, exclusivement constituée d’hommes jeunes et célibataires placés sous le commandement de Sébastien de Tramasure, sortira par la porte d’Ogy demeurée intacte, pour prendre l’ennemi à revers à la porte de Pierre. Les jeunes hommes contournent la ville par le nord car incontournable par le sud, les ponts ayant été supprimés de ce côté de la cité en vue de troubles potentiels.
Tout occupés à tenter de saper la porte de Pierre mais aussi à piller le faubourg, les hommes de Quintin sont surpris par la réaction des Lessinois et leur subite sortie : ils fuient ! La victoire est acquise, le siège n’aura finalement duré que l’espace de cinq heures.
Le 14 novembre au matin, l’échevin Jean le Jeune et Jean de Halluin sont dépêchés à Anvers pour signaler les faits à l’archiduc Mathias qui félicitera les Lessinois pour leur « Bonne garde et victoire remportée ».
Le 19 novembre, une lettre d’excuses sera envoyée au grand bailli de Hainaut – il ne faut pas oublier qu’il est le frère du baron de Montigny dont est extrait le régiment qui vient de causer tant de désagréments aux Lessinois – qui n’insistera pas. L’affaire est close.
Entretemps, les Lessinois et leurs renforts villageois fêtent la victoire dans les auberges et hôtelleries de la ville : les frais seront réglés par les autorités communales.
Origine des festivités
A l’issue du siège, Tramasure remettra son épée à la Vierge qui orne la porte d’Ogy par laquelle il est sorti avec le Compagnie de la jeunesse ; par la suite, elle sera connue sous le vocable de Notre-Dame de la Porte d’Ogy. La victoire lui est en effet attribuée : au-delà du miracle difficile à prouver – c’est là question de croyance – il ne faut pas oublier que nos régions se doivent de se positionner du côté catholique ou protestant : Lessines semble avoir voulu prouver son allégeance au Pape et l’attribution de la victoire à l’intercession mariale peut être envisagée comme un rattrapage religieux.
La commémoration officielle de la victoire ne débutera toutefois pas l’année suivante, du moins pas ouvertement. En effet, le frère du baron de Montigny demeure grand bailli du Hainaut jusqu’à ce qu’il décède. C’est alors Emmanuel de Lalaing lui-même – le fameux baron de Montigny – qui lui succède ! Il était donc impossible de fêter la victoire de 1578 sur une partie de ses troupes, sans lui déplaire !
Le grand bailli décède le 27 décembre 1590 et en août 1591 a lieu la première procession solennelle de commémoration de l’assaut de 1578. Auparavant, signe d’une forme de célébration feutrée des faits, la Société lessinoise de réthorique de Madame Sainte-Rose avait déjà joué, fin août 1588 « La Destruction de la Ville de Jérusalem », allusion réservée à la victoire de 1578 mais aussi, en août 1590, « Le Jour de l’Assault et Victoire contre les Gueux », signe évident que la tradition était belle et bien présente. Le fait de jouer une pièce fin aôut à Lessines, sur la Grand’Place était destiné à réjouir les habitants mais aussi d’attirer les étrangers en ville afin de faire vivre le commerce.
Dès le début des années 1590, la commémoration de la victoire prendra la forme d’une grand-messe solennelle en l’église Saint-Pierre et d’une procession d’accompagnement de l’image de Notre-Dame à laquelle prenaient part les autorités civiles et religieuses, les diverses sociétés et confréries de la ville ainsi que toute la population.
Rapidement, des sociétés extérieures à la ville seront invitées à participer à la procession. Ainsi, les comptes de la massarderie font état, dès 1598, de dépenses occasionnées par l’accueil de divers groupes venus des environs pour rehausser cet événement: confréries de Saint-Sébastien de Grammont et de Bois-de Lessines, Archers du Grand Serment de Flobecq… La Compagnie de Madame Sainte-Dorothée, autre société de réthorique locale, est également payée «pour avoir jouet la IIIIe semaine du mois daougst par ung mercredi après la procession d’Ath certaine histoire en commémoration de la victoire obtenue contre les ennemis de Dieu et de sa majesté pensant surprendre et eschellier ladite ville en l’an 1583 ».
L’erreur dans la date historique de l’assaut.
Dès la fin du XVIe siècle, assez curieusement, une erreur se glisse quant à la date des faits. Ainsi, dans ses comptes de 1590-91, le massard Charles de Halluin signale l’assaut en 1582 ! En 1598, le massard Jean de Neufbourg évoque le paiement à la Société de Madame Sainte-Rose pour avoir joué la pièce identique à celle de 1590 qui parle de l’assaut de 1583.
Cette date du mercredi 26 août 1583 est pourtant hautement fantaisiste. Tout d’abord parce que l’on ne trouve aucune relation d’un quelconque assaut à cette date dans les archives communales, ce qui est par contre bien le cas pour les 13 et 14 novembre 1578. Ensuite, le 26 août 1583 n’était pas un mercredi mais un lundi. Enfin, en 1582 et 1583, Lessines est occupée par des troupes, dont le fameux régiment de Montigny associé aux faits de 1578 mais aussi, particulièrement, du 10 août au 10 novembre 1583, par une troupe italienne : il est peu crédible d’imaginer que l’on assiégerait une ville occupée par des militaires.
En 1650, dans son « Origines Omnium Hannoniae Caenobiorum Octo Libris Breviter Digestae », le chanoine Philippe Brasseur relate des faits qu’il a glânés auprès de la supérieure du couvent des sœurs noires à Lessines. Celle-ci lui a signalé que la ville avait été assiégée le 26 août 1583 et que, avec l’aide de la Vierge, Sébastien de Tramasure l’avait libérée du siège. La religieuse avait amalgamé des faits remontants à 1578 en annonçant au chanoine que les archives de son couvent avaient été détruites à cette date par un incendie allumé par des Gantois : elle mêlait la date à la véritable incursion des Compagnons de la Verte Tente de 1453 mais prouvait par ces allégations que des événements graves s’étaient déroulés en 1578.
Conclusion
Le Festin ou Jour de l’Assaut est un fait réel, s’étant déroulé les 13 et 14 novembre 1578 et prouvé par les comptes de la massarderie. Sa commémoration officielle débute en 1591. Par les erreurs qui se glissent dans la relation des faits ainsi que leur date, le Festin, d’un fait historique devient une forme de mythe.
Le fait de retrouver l’exactitude des faits change également les raisons et la nature des faits : jusqu’il y a peu, situant les faits en 1583, on signalait l’attaque de la ville par des gueux, autrement-dit, des protestants ; la réalité est tout autre : les assiégeants de 1578 sont de bons catholiques.
Depuis 2008 (année du 425e anniversaire par rapport à 1583 et du 430e par rapport à 1578), l’asbl Fêtes Historiques du Festin a franchi le pas en rétablissant la réalité. Les faits sont aujourd’hui avérés par les archives, les personnages locaux cités sont bien réels et surtout, du « mythe 1583 » à la réalité de 1578, le Festin – fait local et relativement anodin – acquiert ses lettres de noblesse en se replaçant dans la grande histoire de nos régions au cours du dernier tiers du XVIe siècle.
Origines de la franche-foire
Tout comme le marché hebdomadaire, la foire annuelle existe, selon la formule consacrée, de toute ancienneté et de temps immémoriaux. Connue à l’origine comme «fieste francque à warder le jour de la Saint-Mathieu», soit le 21 septembre, elle était le rendez-vous des commerçants nomades.
En 1453, Philippe le Bon, Duc de Bourgogne, confirme l’octroi fait par ses prédécesseurs aux Bourgeois de la Ville. Il étend même ce privilège en permettant aux marchands de se rendre et de séjourner à l’intérieur des remparts à cette occasion sans qu’on puisse les arrêter pour nul méfait ou nulle dette, sauf pour délit envers le souverain ou dettes contractées dans le cadre de la foire.
Afin de signaler les droits de franchise dont bénéficiait ainsi la foire, l’usage était de dresser, sur la place publique où elle se tenait, une perche surmontée d’un aigle. A Lessines, ce privilège pouvait être invoqué durant sept jours, soit trois avant l’ouverture de la foire et trois après sa clôture.
En date du 10 septembre 1565, une nouvelle confirmation des foires et marchés francs est accordée par Philippe II, Roi d’Espagne. La franche foire annuelle se tenait alors la veille du dimanche qui précède la Saint-Mathieu.
Quelques temps après, elle est transférée au vendredi qui suit la Saint-Jean-Décollé, vers la fin du mois d’août.
Les Halles constituaient le plus ancien bâtiment civil de la Ville; leur représentation figurait déjà au 13ème siècle dans le « Vieil Rentier » des Sires d’Audenarde. C’est là que se faisait l’étalage de la Saint Mathieu. Elles servirent également de maison échevinale jusqu’à leur cession définitive à la commune par le Comte de Hainaut, au 14ème siècle. Ce dernier s’était cependant réservé une partie du droit d’étalage, qu’il continua de percevoir sur les marchés hebdomadaires, qui avaient remplacé les halles permanentes, transformées en hôtel de ville et réaffectées en partie au logement des Lombards. Le bâtiment fut détruit par un incendie en 1516 et reconstruit l’année suivante dans un style plus monumental. Il comportait alors un beffroi à toiture renflée, en forme de bulbe, que rappelle l’hôtel de ville actuel, datant de 1889.
Par décret du 17 octobre 1755, l’Impératrice Marie-Thérèse ratifia les octrois de 1453 et de 1565 et approuva les modifications de dates sollicitées par les autorités communales. Dès ce moment, deux foires annuelles furent organisées, à savoir le 18 avril et le 17 octobre.
Ce nouveau calendrier resta en vigueur jusqu’au 30 vendémiaire, an XII, soit le 22 octobre 1804, date à laquelle le Gouvernement français donna son accord pour une nouvelle modification. Trois foires annuelles furent ainsi organisées, à savoir, le mardi suivant le quatrième dimanche après Pâques, la mardi suivant le deuxième dimanche d’août et le mardi de la Laetare.
Vers la fin du 19ème siècle, les foires annuelles disparurent progressivement, si bien qu’en 1906, un historien local pouvait affirmer qu’elles n’existaient plus que sur papier.
Depuis 1983, la Franche Foire annuelle se déroule à nouveau chaque année sur le Parvis Saint-Pierre et dans le cadre de l’Hôpital Notre-Dame à la Rose sous la forme d’une rencontre artisanale, destinée à recréer l’atmosphère des grands marchés populaires du 16ème siècle.
La Franche Foire actuelle s’ouvre ainsi au public, chaque année, les premiers samedi et dimanche de septembre. Illustrant à la fois les techniques traditionnelles et la création contemporaine, les participants endossent pour l’occasion un costume d’époque et viennent travailler devant le public.
Un prix spécial est décerné à l’artisan qui s’est particulièrement distingué par la qualité de son travail par le Collège des Bourgmestre et Echevins, accompagné dans sa visite, par une délégation du Conseil communal. Un second prix est également décerné par l’ASBL Fêtes Historiques du Festin 1583, de manière à récompenser la fidélité des participants
L’aspect religieux
À l’époque des événements – le dernier quart du XVIe siècle -, la société mêle intimement les aspects civil et religieux. Lié à cet état de fait, l’attribution de la victoire à un soutien divin à travers l’image de Notre-Dame entraînera une forme religieuse fondamentale à la commémoration, une couleur qui demeure bien présente aujourd’hui.